Épisode 4 “Bifurquons !” | Eduquer au vivant, former à sa protection !
Et si nous changions de trajectoire ? Je veux parler de celle qui nous a emmenés dans le mur des multiples crises parallèles, qu’elles soient économiques, politiques, écologiques, climatiques, sociales, internationales et j’en passe. Existe-t-il une autre trajectoire que celle que nous sommes en train de prendre ? C’est ce que je vous propose d’examiner. Bifurquons.
Eduquer au vivant, former à sa protection !
Nous avons pu observer que les solutions pratiques ne manquent pas, mais que ce sont nos décisions, nos comportements, nos modèles d’existence, nos processus de prise de conscience du vivant et de sa protection, vivant dont nous faisons partie, qui nous manquent.
Ce contenu est disponible au format texte et audio. Bonne lecture ou bonne écoute !
Une éducation déconnectée du vivant
Nos modes d’éducation et de formation ne les prennent pas en compte. Car si lire, écrire et compter sont des fondamentaux indispensables pour toute génération pour décrypter le monde d’aujourd’hui, est-ce vraiment suffisant pour appréhender notre mode complexe et notamment à l’aune des défis majeurs qui nous sont posés ? Vivre, savoir vivre, savoir consommer en protégeant son environnement et sa santé, comprendre et être connecté au vivant sont des indispensables pour s’intégrer au monde, faire les choix et les actions en lien avec la préservation du vivant en étant conscient que l’on en fait partie. Les décennies précédentes nous ont éloignés du vivant. Un exemple, nous nourrir nécessite des plantes. Notre logique productiviste nous a fait utiliser des pesticides en faisant fi de la qualité des eaux, des rivières et des océans et, arroseur arrosé, cette logique nous a créé des problèmes de santé voire d’alimentation. Évitons ces désastres. Nous nous sommes déconnectés du vivant, le laissant dans un décor, chose à côté de nous, oubliant les interactions que nous tissons avec lui en vivant, en respirant, en mangeant, en consommant, en générant des déchets. Nous avons oublié que nous en faisons partie, en nous positionnant au-dessus de lui, nourrissant plus haut pour une chute plus vertigineuse. Il est temps de modifier notre éducation et nos formations pour ajouter aux besoins fondamentaux d’écrire, lire ou compter, ce de comprendre le vivant, de s’y connecter, de le respecter et de savoir vivre et décider avec pour fondamentale sa protection et la nôtre.
Une génération désarmée face aux défis écologiques majeurs
Aujourd’hui, au-delà des initiatives des professeurs des écoles, pas de science du vivant structurée dans l’enseignement primaire, un peu de SVT au collège ou en secondaire, avant une disparition totale en fin de secondaire ou dans l’enseignement supérieur. Comment les jeunes d’aujourd’hui peuvent-ils être armés pour connaître et affronter les défis qui leur sont imposés ? A assurer production alimentaire pour leur santé et leur alimentation, à réaliser les productions nécessaires au quotidien sans polluer, sans détruire, sans épuiser les ressources du vivant et sans aller au-delà des limites planétaires qui conduiront à notre extinction. En ayant hiérarchisé les savoirs, maths, physique, langue, français, nous avons oublié de tisser les liens qui les unissent et ceux qui les lient au vivant.
La jeune génération n’a pas dit son dernier mot
Heureusement, des initiatives existent, celles des jeunes générations en premier lieu, des groupes d’étudiants impulsent des changements interpellant les dirigeants d’établissements pour transformer à la fois la formation donnée et l’établissement qui le propose face aux enjeux écologiques. Avec des propositions claires, formation aux enjeux socio-écologiques avec un tronc commun d’une centaine d’heures en licence, de 200 heures en master et mettre à jour toutes les disciplines pour les adapter au contexte de l’anthropocène et à ses dérives. En dernier lieu, refuser des emplois destructeurs. C’est bien aux établissements, et donc aux ministres de tutelle, éducation nationale et enseignement supérieur, de réformer leurs pratiques. Et vite ! Ajoutons à cela que les enseignements en silos par matière ne permettent pas de lier les disciplines entre elles, de les connecter et de créer une richesse transdisciplinaire favorable au vivant. Un exemple, le droit de l’environnement et l’économie devraient être abordés ensemble. De même, compter ou lire devrait s’accompagner immédiatement du décryptage des caractéristiques des objets de consommation. Autre bonne nouvelle, les formations à la transition écologique sont dans l’air du temps. Fresques du climat ou de l’océan, réduction d’empreintes carbone sont désormais enseignées et constituent un socle d’initiation à la transition écologique. Les hauts fonctionnaires ont été formés et 5,7 millions d’agents de la fonction publique devraient être formés d’ici 2027.
Un besoin de recréer les savoirs
Les entreprises les intègrent dans leurs politiques RSE, de responsabilité sociale et environnementale. Mais est-ce suffisant ? Comment fait-on vraiment bouger les lignes ? Comment dans le quotidien transformer la formation en impact environnemental effectif ? Car là encore, entreprise ou fonction publique d’état, les pratiques ne doivent plus seulement avoir pour guide des indicateurs économiques mais intégrer les conséquences environnementales le plus en amont possible depuis la recherche-développement, la prospection, les mises en œuvre de processus industriels ou de services pour enclencher des ruptures dans les prises de décisions. La recherche ne peut désormais plus produire de la connaissance à tout prix sans évaluer ses impacts préalablement, c’est-à-dire considérer ceux qui sont néfastes pour notre planète. Il faut recréer des savoirs qui sont adaptés à un monde de ressources finies et des savoirs moins dépendants d’applications gourmandes en technologies sophistiquées et surtout des savoirs plus imbriqués dans le débat public critique et délibératif, réfléchir et mieux comprendre les relations entre tous les vivants, l‘impact des inégalités, les alternatives low-tech, bref, redéfinir le croisement de nos savoirs dans un souci de moindre impact et d’anticipation de ce qui pourrait devenir un nouveau problème. C’est un changement dans la formation et l’éthique des chercheurs, dans le public ou le privé. Pour le monde de l’entreprise, c’est carrément un plan Marshall de formation pour que chaque cadre ou employé considère non plus un processus simple lié à un seul indicateur, le plus souvent économique, mais à ménager un ensemble plus complexe de limites à ne pas dépasser et à résoudre avec des organisations ou des fonctions conjointes fonctionnant avec la même batterie d’objectifs et non en silo, en plus en y ajoutant la protection du vivant comme indicateur premier.
Bref, une révolution dans les pensées, les décisions et les actes.
Allez, bifurquons.