Secrets d’indifférence, épisode 4 | Le corail, blanchi et condamné

par | 21 Oct 2024 | PODCASTS

C’est la chronique d’une catastrophe annoncée que je vous fais aujourd’hui. Secrets d’indifférence est une série consacrée à la découverte de ces sujets pour lesquels notre absence d’attention et notre inertie conduisent à une catastrophe annoncée et en marche.

Aujourd’hui je vous invite à vous interroger sur l’extinction des coraux. Pour la plupart de nos concitoyens, quand on leur pose la question de ce que représentent les coraux, l’image qui en est donnée, c’est celle de minéraux. Et oui, on pense aux bijoux, à des massifs rocheux et branchus pour ceux qui en ont effectivement vu sous l’eau, soit directement, soit via le petit écran. En fait, pour la plupart, les coraux n’ont aucune importance ou existence. Ils sont hors de notre monde, terrestre, loin, car la plupart du temps associés aux latitudes tropicales. Et quand on entend dans les médias qu’ils vont disparaître d’ici la fin du siècle, personne ne bronche. Indifférents, nous sommes indifférents, enlisés dans notre monde humain. Car les coraux à squelettes calcaires ne sont ni des minéraux, ni des bijoux, ni des concrétions rocheuses stylisées.

Secrets d’indifférence, épisode 4 - Le corail, blanchi et condamné © Frédéric Bassemayousse

© Frédéric Bassemayousse

Ce contenu est disponible au format texte et audio. Bonne lecture ou bonne écoute !

Les coraux, une histoire de vie et de symbiose

Les coraux, c’est la vie. Un récif de corail, c’est une population fantastique en nombre, qui crée une architecture immense par l’association de deux minuscules espèces, une algue, appelée zooxanthelle, et un polype. Tous deux vivent en symbiose, le polype donnant abri, dioxyde de carbone et minéraux à l’algue, et celle-ci, en retour, favorise la constitution du squelette calcaire, fourni de l’oxygène et complément alimentaire au polype, les deux se développant et évoluant de concert. Après des mille itérations, ce sont des constructions calcaires qui deviennent visibles.

Le deuxième foyer de biodiversité de notre planète, en danger

Les coraux, ce sont les forêts tropicales des océans. Ils sont le deuxième foyer de biodiversité de la planète, et les plus importantes constructions jamais réalisées par des êtres vivants. Et oui, et on s’en fout. Ben oui, ils sont minuscules, pas même identifiables, autant dire sans existence et sans droit. Pourtant, les coraux couvrent près de la moitié de la surface de la France, sont répartis dans les sols indiens pour 20%, le Pacifique pour 40%, l’Asie du Sud-Est pour 30%, et les Caraïbes et l’Atlantique pour 8%. Ça devrait nous toucher. Leur disparition, connue, est annoncée depuis une quinzaine d’années. Nous en avons perdu près d’un quart, la moitié aura disparu au milieu du siècle, et la presque totalité à la fin de ce siècle, au rythme actuel, de nos destructions directes ou indirectes.

Dans l’indifférence, de nombreuses menaces pèsent sur cette richesse

Mais qui s’en souci ? Nous sentons-nous dépendants du corail ? Pas du tout. Et nous oublions que les 850 espèces de coraux abritent 4 000 espèces de poissons et 90% de la biodiversité marine pour seulement 0,5% de la surface des océans. À la fois garde-manger, habitat, crèche pour les coquillages, crustacés et poissons, eux-mêmes sources d’alimentation indispensable pour les populations locales humaines, dans le cadre d’une pêche vivrière ou commerciale. En dépit des énormes bénéfices écologiques qui sont associés aux coraux, avec 1 million d’espèces animales et végétales associées, en dépit des bénéfices économiques estimés à plus de 30 milliards de dollars, de nombreuses menaces, locales ou globales, dues à l’espèce humaine, pèsent sur les récifs. Bien entendu, pas le temps de citer toutes les manières de flinguer le corail, depuis la pêche à l’explosif, le dégazage des bateaux, le déversement de piscines ou d’engrais via les rivières, jusqu’à l’eutrophisation, la pollution chimique aussi, et celle des eaux usées, jusqu’au blanchissement effroyable, dû à l’augmentation de la température de l’eau. Pour qui a vu un récif de corail blanchir ou blanchi, c’est évidemment la catastrophe.

Un émerveillement rapidement remplace par un désintérêt

Mais combien sont-ils ceux-là ? Très peu nombreux. Même les plongeurs se font emmener la plupart du temps sur des sites encore préservés. Tourisme oblige.

Indifférence, quand tu nous tiens.

Le corail c’est loin, ça ne nous concerne pas. Ben oui, comment pleurer un corail ? On ne le reconnaît pas même comme un vivant. Juste une petite architecture sous-marine, une chaîne de récif similaire à un rocher inerte, alors que le corail est une des plus belles expressions de la vie en mer. Qu’il est difficile de laisser une place à ce vivant qui nous enchante, pour la beauté touristique à laquelle il est associé, mais que l’on oublie dès le retour dans nos mondes urbains, oubliant que les paradis sont en voie de disparition accélérée.

L'extinction des coraux - Secrets d'indifférence

Sauvons cette symbiose si riche

Et si nous en sauvions la beauté et la majesté ? Les coraux, plus grande construction du vivant, représentent une construction bien plus fastueuse que n’importe lequel de l’un de nos monuments emblématiques. On sait sauver la pierre de nos patrimoines, de la cathédrale Notre-Dame ou de temple d’Abu Simbel, quand serons-nous touchés par le sauvetage du vivant, de sa beauté ? La grande barrière de corail en Australie, avec ses 2300 km, équivaut à un tiers de la grande muraille de Chine. Mais la grande barrière de corail, elle, elle est totalement vivante.

Alors faisons vite, car nous allons nous priver d’une symbiose, pas seulement celle du polype et de la zooxanthelle, mais surtout la symbiose si riche de l’homme et de son environnement.

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