Risque requin à La Réunion : nouvel effet d’annonce de la préfecture !
Quand un communiqué de presse en chasse un autre, la population de requins-tigres fait les frais d’une politique de gestion du “risque requin” réunionnais fantaisiste et non réfléchie.
Alors que le Centre de Sécurité Requin (CSR) nous a informé suite à son dernier conseil d’administration du relâcher de tous les requins-tigres de moins de 2,5m, nous apprenons par voie de presse 2 jours plus tard que cette annonce est largement conditionnée… une nouvelle tentative de buzz de la part de la préfecture qui remet en cause la transparence de sa communication.
Relâcher de tous les requins-tigres de moins de 2,5m
En effet, jeudi 6 avril, à l’occasion du conseil d’administration du Centre Sécurité Requin (CSR), le directeur du CSR confirmait à notre représentant local à la Réunion, Didier Derand, que le relâcher des requins-tigres de moins de 2m50 (juvéniles) avait enfin été voté. S’en est suivi un communiqué de presse, publié dans les médias dès le lendemain.
Ce projet avait déjà été évoqué il y a plus de deux ans par le sous-préfet de Saint-Paul, à l’époque Olivier Tainturier, lors d’une conférence de presse du CSR le 16 février 2021 (JIR du 17/02/21) :
« La pêche des requins restera la pierre angulaire de la stratégie. C’est notre “arme fatale” glisse Olivier Tainturier. Celle-ci est d’ailleurs amenée à évoluer. La pêche des requins-tigres de moins de 2.50 mètres devrait être abandonnée pour concentrer les moyens sur le requin-bouledogue, principal responsable des attaques mortelles ».
Si sa réalisation a pris du temps, l’ancienne mandature régionale n’y étant pas favorable, nous avons accueilli avec un certain soulagement ce timide virage dans la politique de gestion du “risque requin”, y voyant le début d’une possible gestion plus réfléchie et apaisée.
Une décision satisfaisante, mais pas encore optimale
Si cette décision va dans le bon sens, il n’en reste pas moins que la route est encore longue vers une gestion plus rationnelle. En effet :
- 70% des requins-tigres tués ces cinq dernières années ont une taille supérieure à 2m50 (données CSR). Cette mesure n’aura donc en fait qu’un impact très limité, surtout médiatique : on va continuer à tuer des centaines de requins tigre pour rien.
- Détruire tous les spécimens de plus de 2m50 revient à détruire tous les reproducteurs, en particulier les femelles gestantes. Qui plus est, chez les requins vivipares comme le tigre, la fécondité des femelles augmente généralement avec l’âge. Pour préserver la population, il vaudrait donc mieux protéger a priori les “vieilles femelles”, avenir de l’espèce, que les juvéniles.
- Détruire tous les spécimens de plus de 2m50 revient aussi à détruire tous les spécimens de grande taille de ce prédateur apical. Avec des conséquences totalement inconnues au niveau des écosystèmes marins, en particulier pour la Réserve marine de la Réunion où se déroulent encore 42% des opérations de pêche.
- Relâcher uniquement les petits spécimens revient à présupposer que les requins-tigres juvéniles ont le même comportement que les adultes, ce qui reste à démontrer chez cette espèce semi-pélagique capable de longues migrations transocéaniques.
Comme le rappellent Niella et al. dans leur article scientifique publié en 2021 : « il faut noter que peu de morsures ont été attribuées aux requins-tigres à la Réunion (Ballas et al. 2017) et qu’aucune morsure n’a été attribuée aux requins-tigres < 300 cm de LT (Lagabrielle et al. 2018). [….] Cela implique que l’abattage continu des requins-tigres n’améliore pas la protection des baigneurs à La Réunion.»
Depuis plusieurs années, nous militons pour un relâcher de tous les requins-tigres de moins de 3m, soit les 2/3 des spécimens tués ces 5 dernières années, c’est la taille de 2,5m qui a été retenue. Beaucoup de chemin donc à parcourir encore en écoutant la science, mais l’amorce d’intention d’épargner une partie des requins- tigres était un début d’espoir.
Mauvaise surprise dès le lendemain
Contre toute attente, samedi 8 avril, soit dès le lendemain de l’annonce, la préfecture envoie un communiqué aux médias pour les informer de détails du fameux « programme de relâcher » et on y apprend de façon tout à fait surprenante :
– Que seuls 20 juvéniles seront marqués et relâchés, tous les autres continuant à être massacrés,
– Que cette opération ne débutera qu’en 2024,
– Qu’elle durera un an,
– Que selon les résultats, on décidera fin 2024 de relâcher OU NON les autres juvéniles ≤ 2m50 !
Pourtant, il s’agit de précisions capitales non évoquées la veille, qui viennent totalement anéantir le mince espoir que les associations parties prenantes avaient alors pu percevoir.
Autant dire qu’il s’agit là d’un effet d’annonce, d’une pure opération de communication de la préfecture; des dizaines de requins-tigres juvéniles continueront d’être massacrés en 2023 !
Longitude 181 et le collectif “Requins en danger à La Réunion” ne sont pas dupes : nous continuons par les actions en justice en cours à oeuvrer pour la protection des requins, et en particulier à celle du requin-tigre, espèce la plus impactée en nombre d’individus tués depuis le début de cette crise.
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