Et pendant ce temps-là, les requins…

par | 27 Mar 2025 | Actualité Requins, La défense des droits de l'Océan, News

Au fil des mois, les requins de la Réunion sont toujours pêchés. L’abattage des requins fait partie de l’oubli public : il reste en contradiction avec les propos des autorités, à l’approche de la Conférence Mondiale de l’Océan en Juin 2025 à Nice, où la France se targue d’apporter une contribution majeure à la protection de l’océan et de sa biodiversité.

Requin : oubli et massacre

 Quelques chiffres qui font mal

  • 830 requins ciblés tués au 31 janvier 2025 (188 bouledogues et 642 tigres), avec 94% de tigres à ce jour pour 2025. (Suite aux opérations de « pêche de prévention » du Centre de Sécurité Requins (CSR), Programme de pêche 2018-2025, capture cumulées au 31 janvier 2025)
  • Un total de 207 328 heures de pêche cumulées depuis le 29 mars 2018 (146 700 + 60 628), dont plus de 87 000 (42% aux dires du préfet) dans la Réserve marine.
  • Rien que pour janvier 2025 :
    • 1 requin bouledogue femelle tué à Saint-Pierre.
    • Encore 15 requins tigres tués inutilement (les requins tigres ont été responsables d’un seul accident depuis février 2011, soit depuis 14 années).
    • Sur ces 15 individus tués, 8 femelles et 7 mâles. Et 8 juvéniles.
    • Sur ces 8 femelles, 4 sont matures (maturité sexuelle : entre 285cm et 345cm ; Jaquemet et al., 2012). Sachant que l’été est la période de mise bas, elles sont possiblement gravides.
    • 7 de ces requins tigres ont été tués dans la baie de Saint-Paul où n’existe pourtant aucun site de surf permanent, et 12 sur le « sec » St-Paul/St-Gilles. Et ce, malgré un effort de pêche beaucoup plus important dans le sud-ouest et le sud en termes de nombre de dispositifs de pêche et de jours de pêche : 40 dispositifs et 18 jours de pêche sur St-Paul/St-Gilles, contre 118 dispositifs et 42 jours de pêche dans le sud-ouest et le sud. La Baie de Saint-Paul et les requins tigres confirment une fois encore leur caractère éminemment « rentable » pour les statistiques du CSR, seules justifications à son existence !!

 

En plus des requins ciblés, des espèces menacées d’extinction et inscrites sur la liste rouge de l’UICN sont aussi capturées. En janvier :

  • 2 requins-marteaux halicornes (Sphyrna lewini) classés « en danger critique d’extinction. »
  • 1 requin pointe blanche de récif (Carcharhinus albimarginatus), espèce interdite à la pêche (arrêtés préfectoraux n°185 et 186 du 13 février 2015) et classée « vulnérable ».
  • Rappelons que le requin bouledogue, dont les captures ont chuté de façon drastique, a lui aussi le statut « vulnérable »

Un abattage qui continue et qui nous coûte cher !

Les activités d’abattage, dûment financées par nos impôts, coutent chers :

  • Bien que le CSR ne publie AUCUNE information sur le coût total réel des opérations, ni sur le nombre total des sorties de pêche (seulement le total des heures de pêche effectuées), un examen attentif de l’appel d’offres du CSR pour le marché public du programme de « pêche de prévention » 2022-2026 nous permet de préciser les points suivants : une moyenne de 776€ TTC (maximum, primes comprises, hors pénalités) par sortie de pêche, pour la capture d’un seul requin ciblé, et de 1356€ TTC par requin tigre ou bouledogue (ou poisson mort) pour le stockage, le transport, la dissection et l’évacuation.
  • le CSR a reconduit la destruction des requins pendant 4 ans, ayant publié le 18 mars 2022 un appel d’offre pour un montant record de plus de 5 millions d’euros TTC. 

En ces temps de disette financière que le gouvernement français met en exergue, 

est-il vraiment raisonnable de consacrer autant d’argent à tuer des requins pour une illusion de sécurité ?!

Faut-il rappeler que le budget annuel du CSR – de 2,2 millions d’euros pour 2021, et dont le principal objet est de tuer du requin, y compris dans la Réserve marine – représente plus du double de celui de la Réserve marine (950 000 euros en 2021) qui, elle, avec sa vocation d’Aire Marine Protégée, est d’intérêt général ? 

Une commercialisation impossible

Saviez-vous que des gens bien intentionnés souhaitaient créer un « business » de commercialisation de la chair des requins pêchés à La Réunion ?

Et cela sans tenir compte des risques sanitaires : les requins se déplacent et peuvent provoquer la ciguatera, une maladie liée à des poissons infectés qu’ils auraient consommés dans d’autres régions de l’océan (environ 50 000 personnes sont intoxiquées dans le monde chaque année)

Cette affaire dure depuis plus de cinq ans (9 octobre 2019) date de la 1ère saisine du préfet par l’association Elio Canestri qui exigeait l’abrogation de l’arrêté n° 3621/2009 du 24 décembre 2009, lequel interdit la commercialisation de la viande de requins tigres et bouledogues à la Réunion. Le dernier des multiples recours a été jugé le 6 janvier 2025, avec un rejet logique sans même que le fond ne soit examiné (Longitude 181 n’y était pas partie prenante, n’ayant aucune compétence sanitaire à faire valoir)

Le tribunal reconnaît le bien-fondé à agir des associations

On retiendra de cette affaire, la reconnaissance par le tribunal du bien fondé et de l’intérêt à agir des associations qui se sont opposées, notamment l’association locale VAGUES, présidée par Didier Dérand, délégué de Longitude 181 à la Réunion, dont on notera dans la décision que :

Vagues « eu-égard à son objet matériel, visant à préserver les espèces marines, mais aussi à contribuer au maintien de la santé publique, et eu-égard à son champ d’application géographique ».

Mais aussi l’association locale TAILLE VENT ;

eu égard au fait que « dès lors qu’au moins l’un des intervenants est recevable, une intervention collective l’est également. » 

Et enfin Sea shepherd dont le champ d’intervention géographique a certes été considéré comme national. Mais en la circonstance

« la décision soulève, en raison de ses implications, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales. » Or « les requins-bouledogues et les requins-tigres sont des espèces migratrices qui se déplacent dans l’océan Indien et ne vivent pas exclusivement dans les eaux du littoral de La Réunion. » Eu-égard à la portée de l’arrêté du 24 décembre 2009, qui interdit la commercialisation de viande de deux espèces de requins qui ne vivent pas exclusivement dans les eaux de La Réunion, l’association Sea Shepherd justifie donc d’un intérêt à son maintien. 

Ces 3 remarques sont une victoire !  Car, enfin, le tribunal reconnait que l’intéret à agir n’est pas subordonné :

  • à un agrément national ou local
  • en dehors de l’association Vagues, qui a la mention « à contribuer au maintien de la santé publique » comme motif inscrit dans ses statuts, les motifs de retenue des 2 autres (Sea shepherd  et Taille Vent) font « jurisprudence », car :
    •  le Tribubal administratif reconnaît que les requins sont des espèces migratrices
    •  quelle que soit la taille de l’association qui s’associe au collectif, dès lors qu’au moins l’un des intervenants est recevable, une intervention collective l’est également

Voilà qui donne force à l’action collective !

 

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