Le très connu et très actif Fabrice Nicolino, signe cette semaine dans les pages de Charlie Hebdo un article qui ne peut laisser personne indifférent.
Il relate l’extinction en marche des grands mammifères d’Afrique que sont les lions (plus que 20 000 individus), les éléphants (extinction possible sous dix ans en Afrique Centrale), les rhinocéros (là, il n’ose même plus donner les chiffres des survivants, seulement ceux des morts…).
Réchauffement climatique ? Désertification ? Croissance de l’urbanisation ? Besoin vivrier de populations affamées ? Que nenni, « simplement » la cupidité de l’espèce humaine pour répondre à l’appel d’air d’un marché, principalement chinois (70% du trafic mondial de l’ivoire, par exemple). Le prix de la corne de rhino atteint en effet la somme astronomique de 45 000 € le kilo sur le marché de Pékin !
On ne peut que s’émouvoir à la lecture de cet article et tenter de le confronter à sa propre expérience en des contrées bien françaises.
Sur l’Ile de La Réunion, même si la mer, comme dans beaucoup de cultures insulaires, a toujours représentée le danger, la pêche fait partie de l’univers vivrier.
Elle est aussi, pour beaucoup, un synonyme de liberté. Celle de pouvoir nourrir sa famille sans bourse délier, en “communion” avec la nature. Seulement, toute pêche a un impact sur l’écosystème qu’elle cible. Une faible population fera subir un impact très modéré sur les espèces de poissons ciblés, il en est bien autrement quant un déséquilibre se met en place.
Pour pallier à ce genre d’atteinte grave aux ressources hallieuthiques, des peuples des Iles ont, depuis très longtemps, adopté des règles que l’on nomment « rahui » en Polynésie et qui consistent à laisser en « jachère » des zones de pêches afin qu’elles puissent se reconstituer. Certaines de ces zones peuvent même être en permanence sous ce statut et n’être autorisées à la pêche qu’un jour « miraculeux » par an, l’occasion d’une belle fête.
Ils ont inventé le concept d’Aire Marine Protégée, bien avant les occidentaux qui, aujourd’hui seulement, en découvrent les bienfaits après tant de surexploitation.
Ce type d’ AMP a été créée en 2007 sur l’Ile de La Réunion, sur environ 45 km de littoral. Les pêcheurs, ont, comme ils le disent, « concédé de leur territoire de pêche » à la réserve, oubliant au passage le quasi doublement des permis de pêche en « contre partie ». Ils oublient aussi que l’océan est un bien commun de l’humanité, et qu’il est prouvé que les AMP « en pleine santé » profitent largement à la pêche.
Seulement, par manque de moyens, il ne se trouve encore aujourd’hui que cinq éco gardes pour veiller sur ce trésor encore mal appréhendé par les citoyens. Comment, avec si peu d’effectif, peut on prétendre lutter efficacement contre le braconnage de jour, mais surtout de nuit ? Comment lutter, alors que localement les « zourites » frais (poulpe en créole réunionnais) s’arrachent de la main à la main au prix exorbitant de 50 € pièce ? Seulement, pour attraper ces « zourites » sait on seulement que le « pêcheur » peut aller jusqu’à casser le corail pour sortir l’animal de son refuge ? Ainsi l’appât du gain rapide endommage-t-il pour longtemps un environnement déjà bien malade.
Qu’attendent les services publics français pour mettre en place de vrais moyens, alors que de partout, cette biodiversité dont nos élus se gaussent, alimente les tristes chiffres des listes de l’UICN concernant les espèces en voie d’extinction ?
Qu’attendent les comités des pêches pour prendre en main l’avenir de la ressource en la protégeant eux même de ce braconnage qui les mettra inévitablement sur la paille à court terme ? D’autres pêcheries l’ont fait dans le monde, pourquoi pas sur le territoire français ? Il est urgent de mettre fin à l’omerta suicidaire qui couvre le braconnage et leurs auteurs avant que les poissons côtiers et les petits pêcheurs ne rejoignent les lions empaillés des Muséum.