Interactions plongeurs / animaux sauvages
Longitude 181 est régulirement interpellée pour arbitrer sur les contacts et relations entre humains et animaux marins. Jusqu’où approcher les animaux ? Comment réagir dans les situations de contact ? Quels principes faut-il voir en tête ? On fait le point ici avec la position commentée de l’association.
L’association Longitude 181 créée en 2002 par François SARANO, plongeur : océanologue, est née de la conviction que la plongée, sous toutes ses formes, pour être durable se devait d’être responsable. La Charte Internationale du Plongeur Responsable propose une base de conseils pour plonger plus harmonieusement.
La plongée évoluant, nous avons été amenés à nous prononcer sur des situations que la Charte n’envisageait pas, comme les rencontres en plongée avec les cétacés et les dérives commerciales qui pourraient en découler. Ci-dessous, le témoignage de François SARANO sur ce sujet :
« Je ne suis pas favorable à ce que les plongeurs caressent les animaux, je désapprouve vivement toutes tentatives de s’accrocher à eux. Et je suis, bien évidemment, opposé à l’agression par les plongeurs de dauphins piégés dans un espace confiné, une baie fermée, ou dans une zone de repos.
Néanmoins, lorsqu’on est en plein océan comme le suggèrent certaines vidéos qui nous ont été adressées, ce sont les dauphins qui sont maîtres du jeu. Dans ces vidéos, qui vient à l’autre ? Le plongeur ou le dauphin ? Qui est dans son monde, libre de choisir : le plongeur ou le dauphin ? Pensez-vous une seule seconde que les dauphins ne viennent pas chercher le contact ? Si, au lieu de dauphins, ces vidéos montraient des plongeurs et des serpents qui viennent parfois s’enrouler dans nos détendeurs, ou des cerniers qui viennent s’abriter contre le plongeur, des rémoras qui se collent à nous, nous serions-nous demandés qui choisit la rencontre ?
L’homme, est, de très loin le plus malhabile et le plus lent des « mammifères marins », à tel point qu’il peut être considéré comme un point fixe tant il est lent. Alors que cétacés et pinnipèdes rivalisent avec nos navires les plus rapides. Tant que nous utilisons notre seule force musculaire, ce sont les animaux qui décident… Le reste est affaire de respect.
C’est l’approche en bateau à moteur qui peut être contestable. Au-delà de 5 nœuds, le bateau est un agresseur pour les animaux marins. Ce sont ces approches agressives qu’il faut bannir. C’est le nombre et la vitesse des engins motorisés qu’il faut réglementer. Nous nous élevons contre la poursuite agressive d’une troupe de dauphins ou de baleines par un ou, pire, plusieurs bateaux… C’est là que les animaux sont stressés, c’est à ce moment là qu’ils sont poussés dans leurs retranchements. Mais lorsqu’une troupe de globicéphales s’approche et encercle le bateau, moteur arrêté, la situation est bien différente!
J’ai vécu plusieurs fois ces moments magiques où les animaux viennent vous chercher pour jouer. Je me souviens d’une plongée au Cap Horn où des dauphins Lagénorhinques obscurs sont arrivés de nulle part et sont restés une heure avec nous, à virevolter, à tourbillonner à la lisière des kelps. À court d’air, nous avons dû remonter sur Alcyone. Nous avons regonflé les bouteilles et nous sommes retournés à l’eau, une heure et demie plus tard… Les dauphins sont revenus. Nous avons passé la plongée à faire un concours de cabrioles. Combien de plongées inoubliables avec des otaries espiègles venues, par surprise, mordiller mes palmes pour m’entraîner dans de folles arabesques ? Ces animaux étaient indomptés, libres… ils ne satisfaisaient pas mes caprices, mais leurs envies
Le mois dernier, j’étais avec mes amis, René Heuzey et Hugues Vitry, dans les eaux mauriciennes. René filmait un jeune cachalot. Je me suis mis à l’eau à une centaine de mètres de là pour ne pas gêner le tournage. Le jeune cachalot m’a vu ; il a fait demi-tour et il est venu vers moi, jusqu’à se coller à moi… Que fallait-il que je fasse ? Nager au plus vite vers le bateau pour sortir ? Absurde Non, j’ai profité de cet instant d’immense bonheur que le cachalot m’offrait Dans les lieux encore sauvages, où les hommes n’agressent pas les animaux (les îles subantarctiques, par exemple les animaux ne fuient pas. Au contraire, bien souvent, curieux, ils viennent au contact… C’est cette relation qui devrait être la norme Ces rencontres en plein océan sont choisies par les dauphins, les baleines, les cachalots, les otaries, pourquoi y renoncer ? Quoi d’autre, qui d’autre, peut mieux vous faire toucher du doigt le bonheur et la paix de notre planète vivante, et par conséquent l’envie irrésistible de la préserver ? Pourquoi se priver de ces instants exceptionnels, de ces rencontres si bouleversantes qu’elles changent votre vie pour toujours ? »
De ce témoignage, et dans l’esprit de la Charte Internationale du Plongeur Responsable, Longitude 181 Nature demande aux Centres de Plongée d’adopter la démarche suivante :
- Enrichir les briefings d’avant-plongée de consignes mettant en avant le respect de l’animal et l’attitude à tenir en cas d’approche.
- Bannir tout accrochage à l‘animal.
- Eviter le contact avec les mains.
- Interdire la poursuite de l’animal, quelles que soient les circonstances.
- Bannir d’autres moyens de propulsion que la seule force musculaire avec palmes.
- Préférer les rencontres en apnée.
- Eviter les plongées sur les zones de repos, de nurseries, et/ou à périmètre restreint.
- Limiter le nombre de plongeurs simultanément à l’eau, et le nombre quotidien de rotations sur zone
Dans tous les cas, les chartes d’observation et d’approche existantes doivent être respectées. Si celles-ci sont inexistantes sur la zone considérée, les Centres de Plongée doivent tout mettre en œuvre pour en exiger leur mise en place et leur respect.
Les centres doivent aussi tout mettre en œuvre pour comprendre si ces rencontres ne sont pas induites par des phénomènes périphériques, de type nourrissage par exemple, qui seraient le fait d’autres acteurs économiques de la zone.
Les Centres doivent s’interdire de faire de ces rencontres des éléments systématiques de promotion commerciale.